Pendant des décennies, l'article 2 de l'arrêté ministériel du 6 janvier 1962 a réservé aux médecins « tout mode d'épilation, sauf les épilations à la pince ou à la cire ». Cette réglementation était critiquée depuis plusieurs années par un nombre croissant de professionnels de l’esthétique et a finalement évolué. Voici un petit historique de cette évolution.
La critique de l’ANSES
Dans son rapport du 5 décembre 2016 sur les risques sanitaires liés à l'utilisation des appareils utilisant des agents physiques pour des actes à visée esthétique, l'agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) critique la restriction imposée par l'article 2 de l'arrêté ministériel du 6 janvier 1962.
Le Règlement 2017/745
Le 5 mai 2017 est publié le règlement (UE) 2017/745 qui précise dans son annexe XVI que les lasers et les IPL utilisés pour l’épilation et d’autres traitements cutanés n’ont pas de destination médicale.
Un premier projet de décret notifié à la Commission européenne
Anticipant une décision du Conseil d'Etat, les pouvoirs publics français notifient le 25 octobre 2019 à la Commission européenne un projet de décret « relatif aux actes d'épilation à la lumière pulsée intense à visée esthétique » destiné à se substituer, en ce qui concerne l'épilation à la lumière pulsée, à la réglementation actuelle. Le projet prévoyait que l'épilation à lumière pulsée pouvait être pratiquée par un médecin, un auxiliaire médical opérant sous la responsabilité d'un médecin ou un esthéticien.
Au terme du délai de trois mois, la Commission n'ayant soulevé aucune objection à ce projet de décret, celui-ci a poursuivi son cheminement et a été envoyé pour avis à l’ANSES.
L’arrêt du Conseil d'Etat
Le 8 novembre 2019, le Conseil d'Etat rend un arrêt constatant que l'arrêté du 6 janvier 1962, en ce qu'il subordonne la pratique de certains actes médicaux à certaines conditions restrictives, est, au moins pour partie, contraire à la liberté d'établissement et à la libre prestation de service garanties par les traités européens.
Si la mesure est justifiée par un motif d'intérêt général de protection de la santé publique, le Conseil d'Etat la juge en revanche disproportionnée.
Le Conseil d'Etat précise que les pouvoirs publics ont l'obligation d'abroger les dispositions critiquées et de mettre en place une réglementation compatible avec le traité dans un « délai raisonnable ».
Les arrêts de la cour de Cassation
La Cour de Cassation confirme dans son arrêt du 31 mars 2020 que l'interdiction de l'épilation à la lumière pulsée par des personnes non médecins est contraire aux articles 49 et 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) relatifs à la liberté d'installation et à la libre prestation de services et que cette interdiction n’est pas justifiée.
Cette même Cour de cassation conclut de manière identique dans ses arrêts du 20 octobre 2020 et du 19 mai 2021. Elle précise notamment que la pratique de l'épilation à la lumière pulsée par un professionnel non médecin n'est plus illicite mais peut être soumise à des restrictions pour des motifs d'intérêt général.
Une nouvelle décision du Conseil d'Etat
Constatant que l’Etat n’a pas exécuté sa décision du 8 novembre 2019 et après avoir interrogé sans succès le ministre de la Santé, le Conseil d’Etat rend une nouvelle décision le 2 février 2023. Il prononce ainsi contre l’Etat une astreinte financière quotidienne si celui-ci n’exécute pas la décision de 2019. L’astreinte est effective à l’expiration d’un délai de trois mois après la notification de cette nouvelle décision et jusqu’à la date d'exécution.
La décision inclut aussi l’épilation au laser. La réglementation de ce type d'épilation devait évoluer car il est régi par un arrêté du 30 janvier 1974 dont l’article 2 définit les lasers à usage médical comme « des appareils devant être utilisés par un médecin ou sous sa responsabilité ».
L’avis de la HAS
Le 27 juillet 2023, la Haute Autorité de la Santé (HAS) émet un avis favorable sur le projet de décret encadrant la « pratique des actes d'épilation à la lumière pulsée intense et au laser à visée esthétique », suite à la demande d’avis de la Direction Générale de la Santé du 16 juin 2023. Le projet de décret a ensuite été transmis au Conseil d’Etat.
Le décret 2024-470
Ce décret publié le 24 mai 2024 instaure :
- L’obligation d'une formation à la pratique de l'épilation laser/IPL à visée non thérapeutique avec mises à niveau régulières pour l'ensemble des professionnels concernés (médecins, infirmiers diplômés d'Etat, titulaires du diplôme d’esthéticien). Les détails de la formation et la fréquence des mises à niveau seront précisés dans un arrêté à paraître.
- Une information détaillée fournie aux patients
- Avant sa première séance d’épilation, un patient doit recevoir une fiche d'information précisant les performances attendues des appareils, les contre-indications des techniques utilisées, les effets indésirables possibles, les recommandations pre- et post-traitement et la nécessité de consulter un médecin en cas de doute sur une zone à épiler. Cette fiche vise à permettre aux patients de prendre une décision éclairée. Le double des consentements, datés et signés par les patients, doit être conservé pendant trois ans par les professionnels.
- Un affichage, bien visible, signalant les risques liés à l'exposition aux rayonnements émis par les appareils, les contre-indications de l'épilation laser/IPL, l'obligation de porter des lunettes de protection adaptées, la recommandation de consulter un médecin avant la première séance d’épilation et la recommandation de signaler tout effet indésirable est obligatoire chez les professionnels. Les attestations de formation des professionnels, en cours de validité, doivent également être visibles.
- L’examen de la peau avant toute séance par les professionnels avec évaluation du phototype du patient et la vérification de l'absence de signes évocateurs d’une contre-indication. Les paramètres de traitement doivent être définis en fonction du phototype. L'absence d'effets indésirables doit être vérifiée à la fin de chaque séance. La traçabilité des actes d’épilation relève des bonnes pratiques et doit être effectuée systématiquement. La preuve des vérifications effectuées est consignée dans un document dédié propre à chaque patient, tenu à la disposition des agents chargés du contrôle pendant une durée de trois ans après la dernière séance d’épilation.
- La déclaration obligatoire des effets indésirables graves auprès du fabricant de l’appareil et sur le portail public des signalements des événements sanitaires indésirables (bientôt actualisé pour permettre la déclaration des effets liés aux produits et pratiques à visée esthétique).
- L’obligation d’une maintenance régulière des matériels utilisés réalisée selon les préconisations de leur fabricant. Une fiche assurant la traçabilité de la maintenance doit être tenue à jour pour chaque appareil. Un professionnel doit être formé avant toute première utilisation d’un appareil et recevoir une notice d'utilisation. Les fiches d’entretien des matériels, ainsi que la preuve des formations, doivent pouvoir être montrées aux agents chargés du contrôle.
Suite à la parution du décret, il est probable que les assureurs des professionnels concernés deviendront plus vigilants sur le respect de la traçabilité.
Le décret sur l’épilation laser/IPL instaure donc de nouvelles contraintes pour les professionnels concernés. Un logiciel spécialisé, comme AMESLA, leur facilite ce travail supplémentaire en ce qui concerne l’enregistrement des observations cliniques, la création et la signature des consentements, le suivi de l’entretien des matériels, la traçabilité et le signalement des effets secondaires observés.