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Evolution de la réglementation applicable à l'épilation définitive

Réserver aux médecins l’épilation au laser et à la lumière pulsée est contraire au droit européen

Publié par Geneste & Devulder, avocats, Paris – Novembre 2019

L'arrêté du 6 janvier 1962 qui fixe la liste des actes médicaux qui ne peuvent être pratiqués que par des médecins est, au moins pour partie, contraire à la liberté d'établissement et à la libre prestation de service garanties par les traités européens. Tel est le sens d'un arrêt rendu par le Conseil d'Etat vendredi 8 novembre 2019.

La décision du Conseil d'Etat du 8 novembre 2019 et sa portée

Un cabinet de soins esthétiques met en cause devant le Conseil d'Etat le 5° de l'article 2 de l'arrêté ministériel du 6 janvier 1962, toujours en vigueur, et qui réserve aux médecins « tout mode d'épilation, sauf pour les épilations à la pince ou à la cire ».

Ces dispositions sont critiquées en ce qu'elles réservent aux médecins les épilations au laser et à la lumière pulsée, restriction déjà critiquée par l'ANSES dans un rapport de décembre 2016 sur les risques sanitaires liés à l'utilisation des appareils mettant en oeuvre des agents physiques destinés à la pratique des actes à visée esthétique.

Le Conseil d'Etat constate que l'arrêté de 1962, en ce qu'il subordonne la pratique de certains actes médicaux à certaines conditions restrictives, constitue une restriction à la liberté d'établissement et à la libre prestation de services. L'exercice de ces libertés peut, rappelle l'arrêt, être subordonné à des conditions restrictives, pour autant que ces restrictions sont notamment justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées. En l'espèce, si la mesure est justifiée par un motif d'intérêt général tiré de la protection de la santé publique, elle est en revanche jugée disproportionnée.

Le Conseil d'Etat fait donc droit aux conclusions en annulation dont il était saisi et, innovant, précise la marche à suivre pour les pouvoirs publics qui ont l'obligation tout à la fois d'abroger les dispositions critiquées et de mettre en place, dans un délai raisonnable précise l'arrêt, une réglementation compatible avec le traité.

Un projet de décret notifié à la Commission européenne le 25 octobre 2019

Anticipant la décision du Conseil d'Etat, les pouvoirs publics ont notifié à la Commission européenne, le 25 octobre 2019 (donc pendant le délibéré du Conseil d'Etat), un projet de décret « relatif aux actes d'épilation à la lumière pulsée intense à visée esthétique » destiné à se substituer, en ce qui concerne l'épilation à la lumière pulsée, à la réglementation actuelle. La réglementation de l'épilation au laser devrait, elle aussi, être amenée à évoluer. Elle est en effet actuellement régie par un arrêté du 30 janvier 1974 qui devrait encourir la censure du Conseil d'Etat puisque son article 2 définit les lasers à usage médical comme « des appareils devant être utilisés par un médecin ou sous sa responsabilité ». Il semble toutefois que la réglementation applicable à l'épilation au laser doive être prochainement modifiée à son tour puisque le projet notifié à la Commission européenne prévoit à son propos l'intervention d'un arrêté ministériel pris après avis de l'ANSES.

Concernant l'épilation à lumière pulsée, le projet notifié à la Commission européenne prévoit qu'elle peut être pratiquée par un médecin, un auxiliaire médical opérant sous la responsabilité d'un médecin ou un esthéticien. Les professionnels devront respecter les contre-indications dont la liste sera fixée par arrêté ministériel, conseiller au consommateur de consulter son médecin préalablement à l'intervention et lui remettre une fiche d'information. Les esthéticiens devront être titulaires d'un certificat de qualification délivré par la branche professionnelle et devront suivre des stages réguliers de mise à niveau. Les auxiliaires médicaux devront, quant à eux, suivre une formation complémentaire. Dans les deux cas, la formation devra intervenir dans les douze mois de l'entrée en vigueur de l'arrêté définissant ses caractéristiques.

Les fabricants et distributeurs devront faire une démonstration lors de l'installation de l'appareil, fournir aux professionnels comme aux consommateurs des lunettes filtrantes, établir des fiches de suivi de la maintenance, ainsi que des fiches d'emploi et afficher à destination du public un avertissement visible. Les effets indésirables seront signalés par le professionnel et/ou le consommateur.

Ces obligations sont prévues à peine d'amende. Le décret prévoit l'intervention de pas moins de neuf arrêtés d'application des ministères chargés de la santé et de la consommation, pris pour la plupart après avis de l'ANSES ! Logiquement, le décret prévoit d'entrer en vigueur à la date de l'entrée en vigueur du dernier de ces arrêtés.

Conseil d'Etat, 8 novembre 2019, M. A., req. 424954, mentionné aux tables.

Mises à jour

Au terme du délai de trois mois, la Commission n'ayant soulevé aucune objection au projet de décret qui lui avait été transmis en octobre 2019, celui-ci a poursuivi son cheminement et a été envoyé pour avis à l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES).

Parallèlement, la Cour de Cassation a confirmé dans son arrêt n°449 du 31 mars 2020 que l'interdiction de l'épilation à la lumière pulsée par des personnes non médecins est contraire aux articles 49 et 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) relatifs à la liberté d'installation et à la libre prestation de services et que cette interdiction n’était pas justifiée. La cassation a eu lieu sans renvoi, la Cour mettant ainsi définitivement fin au litige.

Cette même Cour de cassation a conclu de manière identique dans ses arrêts du 20 octobre 2020 (n°19-86.718) et du 19 mai 2021 (n°19-25.749). Elle précise notamment que la pratique de l'épilation à la lumière pulsée par un professionnel non médecin n'est plus illicite mais qu’elle peut être soumise à des restrictions pour des motifs d'intérêt général.

Constatant que l’Etat n’a pas exécuté sa décision du 8 novembre 2019, le Conseil d’Etat a rendu une autre décision le 2 février 2023, après avoir interrogé sans succès le ministre de la Santé. Il a ainsi prononcé contre l’Etat une astreinte financière quotidienne, si celui-ci n’exécute pas sa décision de 2019 dans les trois mois qui suivent la notification de la nouvelle décision. L’astreinte est effective après l’expiration du délai de trois mois et jusqu’à la date d’exécution. Le nouveau texte réglementaire devra concerner l'épilation à la lumière pulsée et l'épilation au laser.

Bien que la loi l’interdise toujours, la jurisprudence du Conseil d'État ne permet donc plus de réserver l’épilation définitive aux seuls médecins. Il faut maintenant d’attendre la publication des textes officiels abrogeant l’interdiction et fixant le nouveau cadre juridique relatif à la réalisation de cette méthode d’épilation.